"Cinq Accords" : une rencontre entre le thé et le fromage.
Une nouvelle fromagerie à Chambéry est ouverte depuis environ un mois. Il s'agit de la Fromagerie Croix d'Or (rue Croix d'Or à 73000 Chambéry).
Pour son inauguration le 19 mars 2014, Thierry Lorin s'est associé à la boutique située en face Lu Shan, une maison de thé (une boutique à Chambéry et la boutique-mère à Grenoble).
Martine, la propriétaire des lieux, au sortir de sa boutique
Thierry (propriétaire de la fromagerie), Denis et Martine (les deux époux propriétaires de Lu Shan, c'est Madame qui tient la boutique de Chambéry), ont donc proposé cinq accords entre fromage et thé, dont je vous mets le programme ci-dessous.
Je n'ai pas manqué une occasion de m'y rendre avec un ami Christian, amateur de thé et de fromage. Malheureusement, il n'a pu assisté qu'aux trois premiers accords, mais fut ravi.
La dégustation a débuté par le Petit Saint-Paul accompagné d'un beau thé vert japonais, un Sencha Miyasaki. J'ai beaucoup apprécié l'association, le fromage avait du caractère sans être trop fort pour les personnes sensibles aux fromages forts (comme moi). D'un autre côté, je pense que les personnes aimant le chèvre peuvent découvrir les thés verts japonais par ce biais. D'ailleurs je compte bien présenter cela au ménestrel-fan-de-chèvre-mais-qui-n'en-mange-que-par-période dès qu'il sera en période "fromage de chèvre", car il trouve que les thés verts japonais ont un côté "infusion d'artichaut"...
Saint-Paul et Sencha Miyasaki
La seconde association fut celle du Stilton, un fromage anglais (oui, les Anglais font du fromage, et du bon, je vous assure) avec le Tian Mu Qing Ding (même si mon cerveau a retenu que nous avons bu du Bi Luo Chun 2 à ce moment-là, ainsi qu'un ami présent, avec d'ailleurs une anecdote à ce sujet...), un thé vert chinois de la province de Zhejiang. J'adore les bleus, fondants en particulier. Le hasard a voulu qu'avant cette dégustation, la vendeuse m'a conseillé ce fromage quand je lui ai demandé ce qui pouvait se rapporcher du bleu bavarois que j'affectionne. Pari réussi pour ce fromage très agréable, accompagné d'un thé qui est une découverte pour moi. L'odeur des feuilles m'a agréablement surprise, elles me rappellent l'odeur de la forêt d'Olonne sur Mer en Vendée, près de la plage de Sauveterre, où mon grand-père allait promené Rip son berger allemand (un chien que j'ai beaucoup aimé, très gentil avec la gamine que j'étais à l'époque). C'est une odeur mêlant pour moi iode et pin, un pont entre terre et mer. Mon grand-père est d'ailleurs maintenant à la lisère de cette forêt, il est inhumé au cimetière de la Renaie, atypique avec ses allées envahies par le sable...
Stilton et Tian Mu Qing Ding
Le troisème accord proposé est celui entre le fromage suisse Etivaz (autre lien ici), un fromage d'alpage, et le thé blanc chinois Bai Mu Dan. C'est l'accord que j'ai le moins aimé, même s'il fonctionne très bien, c'est une question de préférence personnelle que j'exprime. Le fromage a très bon goût, mais je l'ai trouvé trop cassant à mon goût. A noter que cet avis n'engage que mes goûts, que par ailleurs c'est un fromage de très bonne qualité. De même le Bai Mu Dan était bon, mais je ne suis pas une très grande amatrice de thés blancs. Je sais reconnaître que c'est un bon thé, sans pour autant l'apprécier autant qu'il le devrait sans doute... Cependant grâce à cette expérience, j'ai goûté du thé blanc infusé plus longuement que ce que je fais d'ordinaire, j'ai découvert que je le préférais un peu plus infusé. J'ai testé cela chez moi avec du Yin Zhen (Aiguilles d'Argent), ce qui m'a confirmé cela, tout en confirmant cependant que les thés blancs ne sont pas mes thés favoris...
Etivaz et Bai Mu Dan
Le quatrième accord fut un de mes chouchous, celui entre le Beaufort (fromage de la vallée de Beaufort en Savoie) d'été (pas dit "d'alpage" car il vient de plusieurs troupeaux... mais qui broutent au même endroit, il est donc tout comme) et le Bi Luo Chun 2. Le Beaufort doit y être pour beaucoup, car il est extrêmement bon, mais vraiment. Là encore, ce sont mes goûts qui sont exprimés dans ce billet, qui pourraient être différents de quelqu'un d'autre. Ce thé est aussi une découverte pour moi, il est vraiment excellent, même en qualité "intermédiaire", on comprend que l'empereur se soit réservé le breuvage fut un temps...
Le Bi Luo Chun a une jolie histoire qui lui est raccrochée, Denis nous l'a racontée, je vous la transmet :
Des siècles durant, il fut connu sous le nom de Xia Sha Ren Xiang, qui pourrait se traduire par "Parfum étourdissant"ou "Parfum à faire frémir d'effroi". En effet, une légende rapporte qu'en des temps très anciens, des cueilleuses souahitant rapporter quelques feuilles chez elles, en placèrent dans leurs corsages ; l'odeur enivrante fut remarquée par le contremaître qui découvrit alors la ruse... Une autre version dit que des cueilleurs ayant déjà rempli leurs paniers mais désireux de ne pas s'arrêter en si bon chemin, continuèrent à récolter quantité de feuilles qu'ils entassèrent sous leurs tuniques. Réchauffées par la chaleur du corps, ces feuilles développèrent un "effroyable parfum". Cette particularité resta associée au thé jusque sous la dynastie Qing, au XVIIIème siècle : alors qu'il visitait les berges du lac où ce thé était cultivé, l'empereur Kangxi goûta le Xia Sha Ren Xiang et l'apprécia énormément. Mais, chagriné par ce nom quelque peu rebutant et impropre à nommer une boisson impériale, il le rebaptisa Bi Luo Chun, ou "Spirale de Jade du Printemps ", en raison de la forme de la feuille, roulée en petites torsades d'un vert intense.
Je ne sais pas vous, mais j'adore toutes ces histoires sur les thés, leurs origines, l'origine de leurs noms (surtout en Chine), de quoi voyager aussi dans le temps et les cultures !
Le soir avance, nous avons dû poursuivre sous les spots notre dégustation de Beaufort et de Bi Luo Chun...
Le cinquième et dernier accord proposé est celui du Fontainebleu (fromage frais et crème fouettée, ici légèrement sucré) et du Kukicha, un thé vert japonais où brindilles et feuilles sont mêlés (d'où son nom "kuki" brindilles et "-cha" thé) afin de donner des arômes très francs et désaltérants. Un accord inattendu et fonctionne très bien. Celui change agréablement des thés qu'on associe aux desserts (plutôts des thés type "anglais" voire parfumés comme du Earl Grey, etc). Je n'avais jamais goûté de Fontainebleau auparavant, c'est vraiment très bon, frais ; il n'était pas trop sucré. Faisant moi-même mon fromage blanc/faisselle à base de lait cru, je verrai pour faire une recette maison à l'occasion. D'autant que Christian a manqué ce dernier accord, il lui faudra "subir" un rattrapage ^_^
Fontainebleau et Kukicha
Une petite image de la fin de soirée sur le site de Lu Shan au moment du Fontainebleu/Kukicha, en attendant une vidéo nous dit Karine...(je suis sur la photo, de dos, ouf !)
La nuit est tombée, la dégustation touche à sa fin... Denis est toujours prêt à expliquer et faire vivre le thé auprès des invités
Le lendemain, Christian m'a accompagnée faire quelques courses à la fromagerie (Beaufort, Stilton) et chez Lu Shan (Tian Mu Qing Ding et Bi Luo Chun 2 + un service présenté dans un autre article).
Il a donc peu avoir un premier rattrapage de ce qu'il avait manqué la veille avec le Beaufort...
De mon côté j'ai joué une prolongation avec le Stilton, en solo à la maison, puisque le bleu n'est pas apprécié du ménestrel (chacun ses goûts, je n'aime pas les fromages à pâte molle par exemple).
Je remercie encore Thierry, Denis et Martine de nous avoir fait partager ce moment de convivialité et de partage qui fut riche de découvertes en thés et fromages.
Je pense que certains participants auront appris de nouvelles façons d'appréhender le thé, dépoussiéré de l'image vieillote qu'il peut avoir, découvert toute la richesse de cet univers.
C'est avec joie que j'irai me fournir en fromage chez Thierry. Et que j'irai assisté à la prochaine rencontre autour du thé avec Lu Shan.